Le 6 septembre, Sébastien Lecornu était nommé Premier ministre, succédant à François Bayrou, lui-même en poste depuis moins de trois mois. Moins d’un mois plus tard, Lecornu rend les armes. À peine son gouvernement nommé, il quitte Matignon dans un climat de blocage politique quasi total. Que s’est-il passé ? Pourquoi un tel court-circuit institutionnel ? Et surtout : que dit cette instabilité de la présidence Macron et de la Ve République ?
Un mandat piégé
Emmanuel Macron, réélu en 2022 mais privé de majorité absolue depuis les législatives de 2024, gouverne sous contrainte permanente. La défaite de son bloc à l’Assemblée nationale a mis fin à la verticalité tranquille des premières années du quinquennat. Depuis, le pouvoir ne tient que par l’équilibre instable de coalitions de circonstance, de concessions parfois contradictoires, et d’une succession de Premiers ministres usés avant même d’avoir agi.
François Bayrou, censé incarner le consensus républicain, a échoué à rassembler durablement. Sébastien Lecornu, profil technique et loyal, n’a même pas eu le temps d’échouer. Son départ précipité révèle un échec structurel : celui de former un gouvernement capable d’obtenir la confiance d’une majorité parlementaire cohérente.
Macron, seul maître à bord… sans équipage
La Ve République a été conçue pour garantir la stabilité de l’exécutif face aux incertitudes parlementaires. Mais elle n’a pas été pensée pour gérer une crise politique durable où le Président peine à former un gouvernement viable. Or, c’est exactement ce que traverse la France aujourd’hui.
Emmanuel Macron semble avoir voulu jouer la carte du passage en force, en espérant que la légitimité présidentielle suffirait à tenir le cap. Mais en l’absence d’adhésion parlementaire claire, et avec un pays en proie à une fatigue démocratique profonde, cette stratégie atteint ses limites. Le président gouverne encore, mais il ne dirige plus. L’autorité sans pouvoir réel n’est qu’une illusion.
Un blocage qui interroge l’avenir des institutions
Ce qui aurait pu passer pour une turbulence passagère prend désormais l’allure d’une crise systémique. La mécanique institutionnelle est grippée. La nomination d’un nouveau Premier ministre ne suffira plus à dissiper le malaise. Quel programme, quel cap, quelle équipe pourraient aujourd’hui réunir une majorité de confiance au Parlement ? L’opposition refuse de se compromettre, les centristes se déchirent, et même au sein de la majorité relative, l’unité est factice.
Plus grave encore : la répétition de ces épisodes d’échec affaiblit la parole politique, nourrit la défiance et favorise les extrêmes. Si rien ne change, si la parole présidentielle continue de primer sur la recherche de compromis, le risque d’une dissolution ou pire, d’un blocage prolongé devient une perspective tangible.
Il est temps d’assumer l’impasse
Le président Macron se retrouve face à un choix qu’il a jusqu’ici voulu éviter : soit il tente une relance politique majeure, avec un gouvernement d’union large, quitte à céder du terrain idéologique ; soit il provoque une dissolution de l’Assemblée nationale et renvoie les Français aux urnes. La première option est difficile. La seconde est risquée.
Mais l’immobilisme actuel, maquillé en stratégie de résistance, est peut-être la plus périlleuse. Il alimente l’impression d’un pouvoir essoufflé, qui sacrifie les Premiers ministres au rythme des mois pour préserver une présidence réduite à gérer les conséquences de son propre isolement.
Satire TRAORE

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